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Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Canada et le Royaume d’Espagne

F101633 - RTC 1995 No 47

Le Canada et le Royaume d’Espagne,

Désireux de rendre plus efficaces la recherche, la poursuite et la répression du crime dans les deux pays par la coopération et l’entraide judiciaire en matière pénale,

sont convenus de ce qui suit :


Partie I - Dispositions générales

Article 1

Obligation d'accorder l'entraide

  1. Les Parties s’accordent, conformément aux dispositions du présent traité, l’entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible.
  2. Aux fins du paragraphe 1, l’entraide judiciaire s’entend de toute aide donnée par l’État requis à l’égard des enquêtes et des procédures en matière pénale menées dans l’État requérant qui est recherchée par une autorité compétente de cet État.
  3. "Autorité compétente" désigne l’autorité qui a formé une demande d’entraide judiciaire, soit qu’elle émane d’une autorité judiciaire soit qu’elle ait été visée par le Procureur général du Canada ou d’une province ou de l’un de leurs substituts.
  4. Aux fins du paragraphe 1, on entend par matière pénale les enquêtes et les procédures se rapportant, en ce qui concerne le Royaume d’Espagne, à toute infraction relevant de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale, et en ce qui concerne le Canada, à toute infraction établie par une loi du Parlement ou de la législature d’une province.
  5. Par matière pénale, on entend également les enquêtes et les procédures se rapportant aux infractions à une loi de nature fiscale, tarifaire, douanière, ou portant sur le transfert international de capitaux ou de paiements.
  6. L’entraide vise notamment :
    1. la prise de témoignages et de dépositions;
    2. la transmission d’informations, de documents ou d’autres dossiers, y compris d’extraits des casiers judiciaires, de dossiers judiciaires ou gouvernementaux;
    3. la localisation de personnes et d’objets, y compris leur identification;
    4. la perquisition, fouille et saisie;
    5. la transmission de biens y compris le prêt de pièces à conviction;
    6. l’assistance en vue de rendre disponibles des personnes détenues ou non, afin qu’elles témoignent ou aident à des enquêtes;
    7. la signification de documents, y compris d’actes de convocation;
    8. les mesures en vue de localiser, bloquer et confisquer les produits de la criminalité; et
    9. toute autre forme d’entraide conforme aux objets de présent traité.

Article 2

Exécution des demandes

  1. Les demandes d’entraide sont exécutées promptement, conformément au droit de l’État requis et, dans la mesure où ce droit ne le prohibe pas, de la manière exprimée par l’Etat requérant.
  2. L’Etat requis ne peut invoquer le secret bancaire pour refuser l’exécution d’une demande.

Article 3

Entraide refusée ou différée

  1. L’entraide peut être refusée si l’État requis estime que l’exécution de la demande porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public, à un autre de ses intérêts fondamentaux, ou à la sécurité de toute personne, ou est déraisonnable pour d’autres motifs.
  2. L’entraide peut être différée si l’exécution de la demande a pour effet de gêner une enquête ou une poursuite en cours dans l’État requis.
  3. L’État requis informe sans délai l’État requérant de sa décision de ne pas donner suite, en tout ou en partie, à une demande d’entraide, ou d’en différer l’exécution, et en fournit les motifs.
  4. Avant de refuser de faire droit à la demande d’entraide ou d’en différer l’exécution, l’État requis détermine si l’entraide peut être accordée aux conditions qu’il estime nécessaires.  L’État requérant qui accepte cette entraide conditionnelle doit en respecter les conditions.

Partie II - Dispositions particulieres

Article 4

Présence des intéressés aux procédures dans l'État requis

  1. Sur demande, l’État requis informe l’État requérant de la date et du lieu d’exécution de la demande d’entraide.
  2. Les juges, les autorités compétentes de l’État requérant et les autres personnes intéressées dans l’enquête ou dans les procédures peuvent être autorisés, dans la mesure où cela n’est pas prohibé par le droit de l’État requis, à assister à l’exécution de la demande et à participer aux procédures dans l’État requis.
  3. Le droit de participer aux procédures comprend le droit pour toute personne présente de poser des questions.  Les personnes présentes à l’exécution d’une demande peuvent faire une transcription textuelle des procédures et utiliser les moyens techniques à cette fin.

Article 5

Remise d'objets et de documents

  1. Lorsque la demande d’entraide porte sur la remise de dossiers et de documents, l’État requis peut remettre des copies certifiées conformes de ces dossiers et documents, à moins que l’État requérant ne demande expressément les originaux.
  2. Les dossiers ou documents originaux et les objets remis à l’État requérant sont retournés à l’État requis dans les meilleurs délais, à la demande de ce dernier.
  3. Dans la mesure où cela n’est pas prohibé par le droit de l’État requis, les documents, les objets et les dossiers sont transmis suivant la forme ou accompagnés par les certificats demandés par l’État requérant de façon qu’ils soient admissibles en preuve en vertu du droit de l’État requérant.

Article 6

Casiers judiciaires

L’État requis fournit à l’État requérant les casiers judiciaires requis dans le cadre d’enquêtes et de procédures  pénales selon les modalités applicables dans l’État requis à la communication de casiers judiciaires dans le cadre d’enquêtes et de procédures pénales similaires.

Article 7

Personnes mises à la disponibilité de l'État requérant en vue de témoigner ou aider à une enquête dans l'État requérant

  1. L’État requérant peut demander qu’une personne soit mise à sa disposition en vue de témoigner ou aider à une enquête.
  2. L’État requis invite cette personne à venir en aide à l’enquête ou à comparaître comme témoin et cherche à obtenir sa collaboration à cette fin.  Cette personne est en outre informée des frais remboursables et des indemnités qui lui seront versées à 1’avance.

Article 8

Détenus mis à la disposition de l'État requérant en vue de témoigner ou d'aider à une enquête dans l'État requérant

  1. À la demande de l’État requérant, une personne détenue dans l’État requis est transférée temporairement dans l’État requérant en vue d’aider à des enquêtes ou de témoigner dans des procédures, pourvu qu’elle y consente et qu’il n’existe aucun empêchement dirimant pour refuser la demande.
  2. Tant que la personne transférée doit demeurer en détention aux termes du droit de l’État requis, l’État requérant garde cette personne en détention et la remet à l’État requis suite à l’exécution de la demande.  On tiendra compte de la période de détention de cette personne dans l’État requérant aux fins du calcul de sa peine dans l’État requis.
  3. Si la peine infligée à la personne transférée prend fin ou si l’État requis informe l’État requérant que cette personne n’a plus à être détenue, celle-ci est remise en liberté et est considérée comme une personne dont la présence a été obtenue dans l’État requérant suite à une demande à cet effet.

Article 9

Sauf-Conduit

  1. Toute personne se rendant dans l’État requérant suite à une demande à cet effet, ne peut y être poursuivie ni détenue ni être soumise à aucune restriction de sa liberté individuelle dans cet État pour des faits antérieurs à son départ de l’État requis, ni être tenue de témoigner dans aucune procédure autre que celle se rapportant à la demande.
  2. Toute personne, citée devant les autorités judiciaires de l’État requérant afin d’y répondre des faits pour lesquels elle fait l’objet de poursuites, ne peut y être poursuivie ni détenue, ni soumise à aucune autre restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ de l’État requis et non visés par la demande.
  3. Les paragraphes (1) et (2) du présent Article cessent de s’appliquer lorsque la personne, libre de partir, n’a pas quitté l’État requérant dans les trente (30) jours après avoir été officiellement avisée que sa présence n’était plus requise ou si, l’ayant quitté, elle y est volontairement retournée.
  4. Toute personne faisant défaut de comparaître dans l’État requérant ne peut être soumise à aucune sanction ou mesure de contrainte dans l’État requis.

Article 10

Produits de la criminalité

  1. L’État requis, sur demande, cherche à établir si le produit de quelque crime se trouve dans sa juridiction et notifie à l’État requérant le résultat de ses recherches.  En faisant cette demande, l’État requérant indique à l’État requis les motifs qui lui font croire que tel produit du crime se trouve dans sa juridiction.
  2. Lorsque conformément au paragraphe 1 du présent article, le produit prétendu d’un crime est retrouvé, l’État requis prend les mesures permises par son droit en vue de le bloquer, le saisir ou le confisquer.

Partie III - Procédure

Article 11

Contenu des demandes

  1. Dans tous les cas, les demandes d’entraide contiennent les renseignements suivants :
    1. le nom de l’autorité compétente qui conduit l’enquête ou la procédure se rapportant à la demande;
    2. une description de la nature de l’enquête ou des procédures de même qu’un exposé des faits pertinents et des lois applicables;
    3. le motif de la demande et la nature de l’entraide recherchée;
    4. une stipulation de confidentialité, si nécessaire, et les motifs la justifiant; et
    5. une indication du délai d’exécution souhaité.
  2. Les demandes d’entraide contiennent également les renseignements suivants :
    1. dans la mesure du possible, l’identité et la nationalité de la ou des personnes faisant l’objet de l’enquête ou de la procédure et le lieu où elles se trouvent;
    2. si nécessaire, des précisions sur toute procédure particulière que l’État requérant souhaiterait voir suivie et les motifs pour ce faire;
    3. dans le cas d’une demande de prise de témoignage ou de perquisition, fouille et saisie, les raisons qui donnent à croire que des éléments de preuve se trouvent en un lieu donné dans le territoire de l’État requis;
    4. dans le cas d’une demande de prise de témoignage, des précisions sur la nécessité d’obtenir des déclarations sous serment ou affirmation solennelle et une description du sujet sur lequel le témoignage ou la déclaration doit porter;
    5. dans le cas d’une demande de prêt de pièces à conviction, les personnes ou catégories de personnes qui en auront la garde, le lieu où les pièces seront acheminées, les examens auxquels elles pourront être soumises et la date à laquelle elles seront retournées;
    6. dans le cas d’une demande se rapportant à la mise à disposition de l’État requérant de détenus, les personnes ou la catégorie de personnes qui assureront la garde au cours du transfèrement, le lieu où le détenu sera transféré et la date de son retour.
  3. Si l’État requis estime que les informations contenues dans la demande sont insuffisantes, il peut exiger que lui soient fournis des renseignements supplémentaires.
  4. Les demandes sont faites par écrit.  Dans les cas d’urgence et si 1’État requis le permet, la demande peut être formulée verbalement, mais elle doit faire l’objet d’une confirmation écrite dans les plus brefs délais.

Article 12

Autorités centrales

Aux termes du présent traité, toutes les demandes et leurs réponses sont transmises et reçues par les autorités centrales.  Au Canada, l’autorité centrale est constituée par le ministre de la Justice ou par les fonctionnaires qu’il désigne; en Espagne, l’autorité centrale est constituée par la “Direccion General de Codificacion y Cooperacion Juridica International” du ministère de la Justice et de l’Intérieur.

Article 13

Confidentialité

  1. L’État requis peut demander, après avoir consulté l’État requérant, que l’information ou l’élément de preuve fourni ou encore que la source de cette information ou de cet élément de preuve demeurent confidentiels ou ne soient divulgués ou utilisés qu’aux conditions qu’il spécifie.
  2. L’État requis protège, dans la mesure demandée, le caractère confidentiel de la demande, de son contenu, des pièces justificatives et de toute action entreprise par suite de cette demande, sauf dans la mesure nécessaire pour en permettre l’exécution.

Article 14

Restriction dans l'utilisation des renseignements

L’État requérant ne peut utiliser ni divulguer l’information ou l’élément de preuve fourni à des fins autres que celles énoncées dans la demande sans le consentement préalable de l’État requis.

Article 15

Authentification

Les éléments de preuve, les documents et les renseignements transmis en vertu du présent traité ne requièrent aucune forme d’authentification à l’exception de ce qui est indiqué à l’article 5.

Article 16

Langues

  1. Est jointe aux demandes et à leurs pièces justificatives, une traduction en français ou en anglais dans le cas d’une demande formulée par le Royaume d’Espagne, et en espagnol, dans le cas d’une demande formulée par le Canada.
  2. Est jointe aux demandes de signification, une traduction des pièces à signifier dans une langue que comprend la personne à qui elles doivent être signifiées.

Article 17

Représentants consulaires

  1. Les représentants consulaires peuvent, sans qu’une demande officielle ne soit nécessaire, recueillir sur le territoire de l’autre État, la déposition d’une personne témoignant de son plein gré.  Un préavis de la procédure projetée est donné à l’État où elle doit se dérouler.  Cet État peut refuser son consentement pour tout motif mentionné à l’article 3.
  2. Les représentants consulaires peuvent signifier des documents à une personne se présentant de son plein gré au consulat.

Article 18

Frais

  1. L’État requis prend à sa charge les frais d’exécution de la demande d’entraide, à l’exception des frais suivants qui sont à la charge de l’État requérant :
    1. les frais afférents au transport de toute personne à la demande de l’État requérant, à destination ou en provenance du territoire de l’État requis et tous les frais et indemnités payables à cette personne pendant qu’elle se trouve dans l’État requérant suite à une demande aux termes des articles 7 et 8 du présent traité;
    2. les frais et honoraires des experts, qu’ils aient été entraînés sur le territoire de l’État requis ou sur celui de l’État requérant.
  2. S’il apparaît que l’exécution d’une demande implique des frais de nature exceptionnelle, les Parties contractantes se consultent en vue de déterminer les modalités et conditions auxquelles l’entraide demandée pourra être fournie.

 

Partie IV - Dispositions finales

Article 19

Autres formes d'entraide

Le présent traité ne déroge pas aux autres obligations subsistant entre les Parties contractantes, que ce soit en vertu d’autres traités, arrangements ou autrement, ni interdit aux Parties contractantes de se venir en aide ou de continuer de se venir en aide en vertu d’autres traités, arrangements ou autrement.

Article 20

Champ d'application

Le présent traité s’applique à toute demande présentée après la date de son entrée en vigueur même si les faits en cause sont survenus avant cette date.

Article 21

Consultation

Les Parties se consultent promptement, à la demande de l’une d’entre elles, relativement à l’interprétation et l’application du présent traité.

Article 22

États tiers

Si, dans le cadre d’une enquête ou d’une poursuite, les autorités judiciaires d’un État tiers rendent une ordonnance qui a pour effet d’imposer à un ressortissant ou à un résident d’une des Parties contractantes une conduite dans le territoire de l’autre Partie qui soit inconciliable avec le droit de cette dernière, les Parties contractantes s’engagent à se consulter, par voie diplomatique, afin de trouver les moyens d’éviter ou de remédier à une telle situation.

Article 23

Entrée en vigueur et dénonciation

  1. Le présent traité entrera en vigueur trente jours après la date à laquelle les Parties contractantes se seront notifié par écrit de l’accomplissement des procédures requises pour ce faire.
  2. Chaque Partie contractante peut mettre fin au présent traité en tout temps.  Cette dénonciation prend effet un an après la date à laquelle elle a été notifiée par écrit à l’autre Partie contractante.

EN FOI DE QUOI les signataires, dûment autorisés par leur gouvernement respectif, ont signé le présent traité.

FAIT à Madrid, le quatrième jour de juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze, en deux exemplaires, en anglais, en français et en espagnol, chaque version faisant également foi.


POUR LE CANADA
Jean-Pierre Juneau

POUR LE ROYAUME D'ESPAGNE
Juan Alberto Belloch Julbe


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